Création "littéraire" by Haru no Tenshi

Mémoires d'Astre-Lune




Je ne sais par où commencer... peut-être par ma colère, ma haine envers les hommes... après tout, c'est le début de mon histoire.

J'étais encore une enfant à l'époque, je n'avais pas quinze ans quand j'ai commencé à les haïr... quand c'est arrivé... Je vivais alors avec mes parents, ma soeur jumelle, notre

aînée et notre frère, dans le royaume d'Iddlegard, situé sur un continent voisin et aujourd'hui annexé au royaume de Rune-Midgard.

Ma mère appartenait à un ordre de chevaliers, elle combattait pour ses idéaux et, à l'aide de l'Ordre, défendait la région, repoussant pirates et barbares. Dans le reste du

pays, l'esclavage était légal, et même encouragé, et les femmes, hors de la protection de l'Ordre, étaient monnaie courante.
Le roi, laxiste et égoïste, ne se préoccupant que de sa personne, laissait aller son peuple, se moquant de son bien-être et de la manière dont son fief était administré, si bien

que le royaume était réparti entre nombre de petits seigneurs, plus ou moins influents, mais tous tyranniques et assoiffés de pouvoir.

Seule cette région protégée par l'Ordre était épargnée et prospérait. Mais les seigneurs des environs, considérèrent le bien-être de cette communauté comme une insulte, et plus

officieusement comme un élément gênant qui ne manquerait pas d'insuffler des envies de rébellion à leurs serfs. Ils décidèrent donc de s'allier et d'engager les pirates qui

viendraient gonfler leurs armées. Se réunissant à maintes reprises, ces sombres tyrans mirent au point un plan pour anéantir à coup sûr la célèbre chevalerie qui n'avait jamais

connu la défaite. Le plan était simple mais cruel; il consistait à détruire les fondations même de l'Ordre, infiltrant les familles des plus hauts chevaliers et les faisant

assassiner.

C'est ainsi qu'un soir, alors que notre père était parti sur les frontières de la région, régler quelque affaire pour l'Ordre, que notre vie paisible prit brutalement fin...

Cette soirée sanglante débuta avec le meurtre de notre mère...
Mes soeurs et moi arrivâmes dans la salle à manger pour dîner et nous fûmes assaillies par cette vision de cauchemars : étendue sur la table, au milieu des plats renversés,

notre mère. Notre grand frère tenait toujours le pommeau de l'épée qui la traversait de part en part.
Il regardait le cadavre d'un oeil vide. Sortant la lame fumante de sang, il braqua sur nous son regard fou et un sourire morbide se dessina sur ses lèvres.

Un cri retentit à l'extérieur tandis qu'un orage éclatait. Des hommes, soldats barbares, fracassèrent la porte. L'un d'eux, semblant être le chef, félicita notre frère, lui

donna une bourse pleine d'or, et ressorti avec lui. Nous étions restées tétanisées. L'incompréhension et la peur nous empêchaient tout
mouvement.
Les homme pillèrent et entassèrent toute richesse dans des sacs. Deux d'entre eux saisirent ma jumelle et l'emmenèrent dans la pièce voisine. Elle m'adressa son dernier

regard... implorant et triste, une sombre terreure s'y installait...
Je fut attachée à l'un des pieds de la table et l'on fit de même avec mon aînée; le corps de notre mère était juste au-dessus de nous.

Tremblante, j'entendis les cris insoutenables de ma soeur, dans la pièce, juste à côté... mon coeur se déchirait à chacun des hurlements...
Un homme resté près de nous, pris d'une colère subite et irraisonnée, se mit à nous lancer injures et menaces au visage.
Mais les hurlements de terreur et de souffrance de ma jumelle résonnaient toujours plus fort dans mes oreilles et ma poitrine... Des gémissements d'homme se mêlaient aux cris de

ma soeur...

L'autre homme, celui resté près de nous, se prit d'une fureur encore plus soutenue envers mon aînée, il la frappa sans raison. Il frappa encore et encore, comme un dément;

j'entendis craquer sa mâchoire et fut éclaboussée de son sang. Son visage déchiré me fixât de son regard maintenant sans vie. Le corps s'effondra sur moi. Mes larmes se mêlèrent

à son sang et se perdirent dans sa chevelure autrefois éclatante.

La porte de la pièce voisine s'ouvrit brutalement. Les deux hommes qui y avaient emmené ma jumelle en sortirent... sans elle. Penchant la tête, je l’aperçue, nue, étendue sur le

sol et salie. En la voyant ainsi, je fut saisie de nouvelles nausées.
Elle était moi... j'avais été salie autant qu'elle. Je me voyais à sa place, étendue... La tête me tournait. À moitié aveuglée par mes larmes, je me sentis partir, perdre

connaissance.
On me détacha, c'était mon tour. La peur au ventre, je parvins à m'éloigner de l'étreinte.
Ma tête tournait toujours, mais je réussis à me traîner jusqu'au fond de la cuisine. Je cherchais une arme, quelque chose pour me défendre, quand une main, énorme, s'abattît sur

mon épaule, me faisant basculer en arrière, renversant un meuble au passage.

L'homme était sur moi, soufflant bruyamment sur mon visage. Je le sentais, pressant, chaud, contre mon bas ventre. J'essayais de le repousser, mais il m'écrasait de tout son

poids. Il appuyait sur ma poitrine, m'empêchant de respirer. Je suffoquais, m'asphyxiais. Je me sentis de nouveau partir, mourir.
Il déchira ma tunique, mais peu m'importait, j'allais rejoindre ma mère et mon aînée.
A ce moment là, j'étais vierge. L’instant d’après, je ne l’étais plus. Redressée, les yeux exorbités, la bouche ouverte dans un cri muet; il était en moi.

J'étais morte. Je devais être morte pour n'avoir que cette douleur atroce. J'étais déchirée, dans mon corps, dans mon âme.
J'étais morte.

Ma soeur avait hurlé, moi non. Je restais figée sous les va-et-vient. Sous mes yeux toujours écarquillés, le monde s'effaçait. Il n'y avait plus que les échos sourds de la

souffrance; celle de ma soeur. Et ce mal, horreur déchirante et destructrice en moi...

Je n'avais pas quinze ans... Quand le premier homme est mort sous ma main...

Basculant la tête sur le côté, j'aperçus une lame, probablement tombée en même temps que le meuble. Je réunis mes forces et tendis le bras, presque mécaniquement. L'homme, au

dessus de moi était trop occupé à me souffler ses râles au visage pour remarquer mon geste.
Luttant contre les vagues de douleur, je saisis le manche de la dague et le souleva au-dessus de la nuque de cet homme, de ce monstre.

Je le regardai dans les yeux. Il arrêta net son mouvement. Il avait compris qu'il était perdu... trop tard. La lame plongea en lui, traversant sa gorge. Ses yeux se

brouillèrent; je fus aspergée de son sang, ce n'était rien, j'étais déjà souillée, salie.

Je repoussais avec difficulté le lourd cadavre. Me redressant, j'observai la pièce. Je me sentais perdue. Les autres hommes semblaient être partis. Je m'avança (cf. 13) jusqu'à

la porte entrouverte derrière laquelle devait se trouver ma jumelle. La porte s'ouvrit devant moi, grinçante.

Un autre homme était sur ma soeur inerte. il me jeta un regard stupéfait, incrédule. Avec un hurlement de rage, je fondis sur lui, l'attrapai par les cheveux, et le renversai.

Son crâne se fracassa contre le sol de pierres. M'appuyant sur son torse, je le poignardait sauvagement, le criblant de coups.
Le visage couvert de sang, je me tourna (cf.13) vers ma jumelle. Le peu qui restait de mon coeur fut anéanti. Elle était allongée sur le dos... le visage face à la pierre.
Je couvris sa poitrine et sa tête de pièces de tissus éparpillés. Les nausées devenues plus fortes me firent basculer en avant.

Je suis longtemps restée prostrée, dos au mur, pleurant sans fin...