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| Les chroniques de Sorgentel | |
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Valère Caru (très rapide .... pour la fuite)
Nombre de messages : 14 Age : 40 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Les chroniques de Sorgentel Mar 22 Avr 2008 - 23:14 | |
| Bonjour!
Je me permets de vous poster les premiers chapitres du roman sur lequel je travaille depuis deux ans. J'en suis actuellement au début du tome 2 (l'histoire tiendra sur trois tomes) et je publie les chapitres au fur et à mesure sur internet, en attendant de tout corriger et d'envisager une tentative de publication! J'ai déjà eu quelques avis positifs de gens du métier, mais j'ai encore quelques lacunes d'écriture à combler. Je me laisse donc quelques années pour finir tout ça! Comme mon récit a déjà un peu circulé sur d'autres forums, j'ose espérer que cela vous plaira aussi. Il s'agit d'une histoire de style aventure/fantasy, transposée dans le monde contemporain. Merci de lui laisser sa chance ^^
Si cela vous donne envie de lire la suite, je mettrai progressivement les chapitres suivants ^^
[Le prologue et les deux premiers chapitres devraient prendre au moins 4 posts successifs vu leur taille, je m'en excuse]
Les chroniques de Sorgentel ______
Tome 1 : Les élus
Le miroir millénaire, symbole de l'érudition et de la protection. Le sceau cosmique, emblème de la spiritualité et de l'empathie. Le bracelet d'ambre, attribut de l'esthétisme et de l'illusion. L'épée cascade, instrument de la bravoure et de la témérité. La concrétisation : création ou chaos? Je n'en sais pas plus que vous cher ami…
New York, 1990 Gaetan Léopold Osman-Wallace.
Prologue Omniscience
Comment ne pas se sentir envahie par une immense vague de fierté après une telle aventure? Comment ne pas se sentir spéciale, surdouée, élue? Ces émotions je m'en souviens comme si je les avais ressenties hier. Ces images errent dans mon esprit comme si on les avait gravées dans mon cerveau. Et c'est bien là le poids de mon existence : cette journée de l'automne 1992 où tout a basculé... une fois de plus.
***
"Mission accomplie, chantonnait Eléonore en agitant son poignet droit."
Le bracelet serti d'ambre qui ornait son poignet s'agitait au gré de ses mouvements enthousiastes tandis que nous marchions en formation rangée, nous éloignant progressivement de la porte de Springan et de son protecteur. Eléonore avait le bracelet, Samuel la rapière, Aïssa le sceau et moi le miroir. Miroir que je tenais fermement contre moi d'ailleurs, de peur de le faire tomber. Après tout ce n'était pas un objet ordinaire que je tenais là.
"Respire, me fit remarquer Danny. Tu es si crispée que tu risques de te briser bien avant ce truc."
Fiche moi la paix Danny, ce n'est pas tous les jours que l'on a la responsabilité d'un objet sacré! De plus l'endroit où nous nous trouvions était loin d'être rassurant. Une sorte de zone immatérielle, sans sol, sans ciel, sans parois. Le néant en quelque sorte. Nous sentions bien que nos pieds foulaient un sol, mais nous aurions tout aussi bien pu chuter dans le vide.
"Ca ressemble étrangement… à l'espace, déclara Malick comme s'il avait deviné mon inquiétude. -Non, je dirais plutôt qu'on est dans une sorte de brouillard impénétrable, dit Maria. Un smog! -Espace ou smog, j'espère juste que le "sol" ne va pas se dérober sous nos pieds juste avant que l'on atteigne la sortie, répondis-je en augmentant la cadence. J'ai hâte de rentrer à la maison."
Maria me fit un sourire et se retourna pour jeter un œil derrière nous tandis que Danny, Rita et Samuel menaient notre petit groupe.
"Dites, ce type il n'était pas très causant, marmonna Maria. Vous croyez que c'est parce qu'il est forcé de rester ici tout le temps? -Chacun porte sa croix, rétorqua Danny sans se retourner."
J'observai à mon tour la silhouette de l'individu qui gardait la porte de Springan. Lui et la porte devenaient de plus en plus difficiles à distinguer à mesure que nous nous éloignions, comme s'ils étaient engouffrés par un brouillard épais. Maria avait raison, ce type étrange ne nous avait pas manifesté la moindre sympathie. Il avait même semblé indifférent à notre venue, comme un fonctionnaire blasé.
"Vu ce qu'on a enduré il aurait au moins pu nous faire la conversation, râla Maria. Juste un "comment allez-vous" aurait suffi! N'est-ce pas Samuel?"
Samuel avait effectué une grande partie de la marche sans dire le moindre mot. Apparemment plongé dans ses pensées, il ne remarquait même pas que Maria l'avait interpellé.
Soudain, Danny émit un cri jubilatoire, nous indiquant une zone de lumière blanche droit devant nous. La sortie! La voie du retour à la maison! Tous réjouis à l'idée de quitter enfin cet endroit peu hospitalier, nous cheminions de plus en plus vite. Je ne pouvais d'ailleurs pas m'empêcher de me visualiser dans un bain moussant, écoutant une musique relaxante en lisant l'œuvre intégrale de Descartes. Mais un obscur bruit d'ailes me fit sortir de cette douce perspective. Danny s'était arrêté comme nous autres, observant avec perplexité les deux corneilles qui venaient de s'engouffrer par notre porte de sortie. Les deux oiseaux se dirigèrent vers nous, effectuèrent des cercles au dessus de nos têtes puis retournèrent vers la sortie, se posant chacun sur l'épaule de l'énergumène qui venait d'arriver à son tour dans cette zone intermédiaire.
"Qu'est-ce qui se passe? demandai-je. Qui est cet homme?"
L'homme se tenait littéralement sur le seuil, nous observant de loin. Son visage n'était du reste pas visible, à cause de la lumière éblouissante de la sortie. Nous pouvions tout juste distinguer sa silhouette et les deux bêtes perchées sur ses épaules. Comment avait-il pu accéder à cet endroit?
"Qui êtes-vous? lança Rita d'une voix peu rassurée."
L'homme ne répondit pas, demeurant toujours immobile. Les pans de sa longue veste s'agitaient frénétiquement, portés par la brume environnante. Alors que j'étais de plus en plus angoissée par l'irruption soudaine de cette personne, Samuel qui s'était pétrifié depuis quelques secondes hurla :
"Non, pas maintenant!"
Tous se tournèrent vers Samuel, abasourdis. Il avait la main droite crispée sur la rapière et fixait l'homme du regard. Ce dernier se contenta de hocher la tête.
"Si, j'ai changé d'avis Samuel, fit la voix posée de l'individu. -Je… non… pas maintenant! -Samuel, qui est ce type? Tu le connais? s'écria Danny."
J'échangeai un regard bref avec Maria. Elle semblait aussi troublée que moi.
"Les éléments… maintenant, continua l'individu. -Mais… -C'est maintenant ou jamais, reprit l'autre. -SAMUEL, REPONDS-MOI, hurla Danny. QUI EST CE TYPE? -Qu'est-ce que tu as à faire avec lui? demanda Malick."
Samuel se tourna vers nous, l'air indécis. Il ferma les yeux un instant afin d'inspirer profondément, puis toisa Danny du regard.
"Je suis désolé. Donnez moi les trois autres objets et il ne vous fera pas de mal."
Je me sentis envahie par l'indignation et la rage, sans doute comme mes camarades. Même si j'avais du mal à y croire, c'était l'évidence même. Je ne savais pas pourquoi Samuel nous avait trahis et pourquoi il voulait remettre ces objets durement acquis à cet homme. Ce qui était certain, c'est que les conséquences risquaient d'être dramatiques si nous obtempérions. Je serrai fermement le miroir contre moi, prête à le défendre avec ma vie.
"Je ne comprends pas ce qui te passe par la tête, mais ne fais pas de bêtise, menaça Rita. N'oublie pas pourquoi nous avons été choisis et la raison pour laquelle nous avons dû endurer tout ça . -Tu crois vraiment le savoir Rita? répondit Samuel, d'un air nerveux. Vraiment? -Peu importe sale… traître, on ne te les donnera pas. Comment as-tu pu nous duper après tout ce que nous avons traversé ensemble!? -Samuel, tu devrais expliquer la réalité à ton amie, intervint l'homme sans bouger de son poste d'observation. Peut-être qu'elle serait plus disposée à coopérer si elle comprenait les enjeux de sa mission… comme toi."
Les évènements prirent une tournure inattendue. Danny, dont la rancœur semblait avoir atteint des sommets, se jeta sur Samuel avant que quiconque n'ait eu le temps de le retenir. Stupéfait, Samuel eut un alors un mouvement de recul et brandit la rapière entre lui et son assaillant. Eléonore poussa un cri.
"Non, pas ça, murmurai-je."
Danny s'immobilisa sous le regard accablé de Samuel. Il recula d'un pas, puis s'effondra. Je crois me rappeler que je m'étais mise à pleurer avant même de réaliser que Danny n'était plus des nôtres. Nous étions tous pétrifiés, observant Danny puis son assassin, celui qui était encore notre camarade cinq minutes auparavant. Samuel tremblait de tous ses membres, réalisant ce qu'il venait de faire. La lame de la rapière scintillait, maculée de sang.
"Je ne voulais pas…, murmura-t-il. Je n'ai pas fait exprès…"
Il ferma les yeux et se mit soudain à hurler, comme pris de démence. Ce fut alors le chaos, comme si une formidable tempête venait de se déclencher. Je sentis Maria me serrer le bras, puis le flou total… C'est sans doute ce que l'on ressent lorsqu'on est emporté par une tornade, non? On est d'abord bringuebalé dans tous les sens, puis on perd conscience.
Lorsque je me réveillai, j'étais étendue sur des feuilles mortes en plein milieu de la forêt. Vivante. Avais-je été ramenée? Maria était étendue à côté de moi, encore inconsciente. Sa main était si fermement agrippée à mon bras que le sang ne circulait sans doute plus dans mon avant-bras. Je me redressai et me frottai les yeux, tentant d'habituer ma vue à la lumière du jour. C'est à ce moment là que je me rappelai des derniers évènements. Samuel… Danny… Où étaient les autres? Pourquoi Maria était la seule à être là?
"Tu es enfin réveillée, constata une voix masculine froide."
Je levai les yeux, m'attendant à voir Samuel, son complice, ou un de mes amis avec un peu de chance. Non, c'était l'autre personnage… le protecteur de la porte de Springan dont j'avais déjà oublié le nom. Il était perché sur une branche de marronnier, m'observant à travers le feuillage. Je ne voyais pas grand' chose de lui, excepté sa tignasse de cheveux rouges comme le sang. Il n'avait pas l'air disposé à descendre de son point d'observation.
"Où sont les autres? demandai-je. Que s'est-il passé? -Le miroir vous a protégées toutes les deux. Cette fille a sauvé sa vie sans le savoir, en se rapprochant de toi. -ET LES AUTRES? criai-je, en désespoir de cause. -Morts, évidemment."
Je m'étais attendue à cette réponse dès qu'il avait évoqué le miroir, mais je ne pouvais m'empêcher de le haïr pour la manière abrupte dont il m'annonçait la disparition de mes amis. Ignorant le fait que je sois en train de pleurer, il continua.
"Vous avez de la chance, les quatre éléments se sont dispersés avant que cet individu n'ait pu s'en saisir."
Effectivement le miroir avait disparu. Cet individu avait cependant une conception très pervertie de la chance. Je levai les yeux vers lui, complètement perdue.
"Tu… tu étais là tout le temps, tu as vu ce qu'il s'est passé depuis ta maudite porte. Pourquoi n'es-tu pas intervenu!? -Je suis neutre, je n'ai pas le droit d'intervenir, répondit-il simplement. -… -Tu devrais être reconnaissante, j'ai pris la peine de vous ramener jusqu'ici. D'ailleurs, je ne vais pas m'éterniser plus longtemps."
Il hésita un instant, le regard vague.
"Désolé pour ta… perte."
Il disparut subitement de son perchoir, comme s'il s'était évaporé. Je ne pus m'empêcher d'avoir du mal à croire tout ce qui venait de se passer. D'ailleurs je n'y aurais pas cru sans cette douleur lancinante qui me traversait le corps. Danny, Aïssa, Eléonore, Malick, Rita… Ils avaient bel et bien disparu, ce n'était pas un mauvais rêve. Soudain, j'entendis une voix stridente m'appeler par mon nom. La voix rassurante mais terrifiée d'Ella Jones… Je la voyais accourir vers nous, suivie par plusieurs autres personnes dont je ne pouvais distinguer les traits. Assurée que nous serions sauvées, Maria et moi, je pouvais me laisser tomber sur les feuilles humides qui jonchaient le sol et me rendormir. Dormir paisiblement le temps qu'on s'occupe de moi car je savais qu'à mon réveil mon esprit n'aurait sans doute plus jamais la paix.
"Samuel…" | |
| | | Valère Caru (très rapide .... pour la fuite)
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| Sujet: Re: Les chroniques de Sorgentel Mar 22 Avr 2008 - 23:14 | |
| Partie 1 : G.L.O.W.
Chapitre 1 : Tabula Rasa
Lorsque Monsieur Anselme commença à débiter son flot habituel de considérations sur la genèse de la philosophie juridique et ses implications modernes, Arthur Gall comprit que les deux heures à venir seraient très difficiles à supporter. Plus insupportables que toutes les formes de torture psychologique que l'Humanité avait su engendrer. Le temps ralentirait, ses sens déclineraient et sa concentration s'étiolerait inévitablement. Il décida alors d'en prendre son parti et de faire une sieste sur sa table. Avant de se laisser tomber dans les bras de Morphée, il profita de sa place surélevée pour balayer l'amphithéâtre du regard et évaluer l'ampleur des dégâts. La moitié des étudiants s'étaient très rapidement désintéressés du cours, d'aucuns discutant avec leurs voisins ou regardant des films sur leurs ordinateurs portables grâce à de précieux écouteurs ; d'autres programmant leur sortie du samedi soir. Seuls les pauvres hères qui avaient fait l'erreur fatale de s'asseoir en bas de l'amphithéâtre, au premier rang, semblaient tenter de conserver un semblant de dignité, bien qu'ils soient les cibles involontaires des légendaires postillons du professeur émérite. Arthur laissa choir sa tête contre la vitre près de son siège, ignorant la sensation glacée induite par le verre. A côté de lui, il pouvait entendre ses camarades s'évertuer à finir les mots croisés du jour.
"…en réplique à la philosophie utilitariste, l'on a pu répondre que l'intérêt mercantile ne dirigeait pas exclusivement les actions de l'homme…"
Arthur commençait à s'endormir, bercé par la voix terne du professeur. L'architecture classique de l'amphithéâtre disparaissait dans une brume éthérée et sa conscience perdait pied. C'est alors qu'un violent bruit de verre brisé provenant de l'extérieur le fit sortir de son demi-sommeil. Brutalement sorti de sa torpeur, il observa à travers la vitre.
"Arthur : ancien "do" en deux lettres? lui demanda un garçon assis à côté de lui. -"Ut", répondit négligemment Arthur en collant son front contre la vitre."
Il scruta la cour d'honneur de l'université pour voir ce qui se passait dehors. Au bruit, l'on aurait juré qu'une vitre venait d'être brisée. Encore une manifestation? Il ne voyait personne dans la cour, ce qui semblait normal pour un samedi matin où peu de cours avaient lieu.
"Arthur, un mot de neuf lettres commençant par "L" et finissant par "V" pour une forme linguistique récurrente? -Leitmotiv, répondit patiemment Arthur en fronçant les sourcils."
Il écarquilla soudain les yeux. Un homme massif était en train de traverser la cour d'honneur, le pas lourd. Il était vêtu d'une cuirasse, de cubitières, de genouillères et tenait des deux mains le manche d'une immense hache dorée. Un heaume lui dissimulait une grande partie du visage mais Arthur arrivait à distinguer une mâchoire carrée ornée de poils de barbe blonds. L'irruption de l'individu était irréaliste, au point qu'il douta de sa santé mentale.
"Euh… les gars, il y a un type en armure qui se promène dans la cour d'honneur, dit-il sans détacher son regard de l'étrange personnage. Est-ce que c'est normal? -Sans doute des étudiants en médecine qui font encore les abrutis, répondit l'un de ses deux camarades en se demandant comment écrire le mot "leitmotiv". -Ou bien un enterrement de vie de garçon, ajouta l'autre. On est samedi après tout. Tout peut arriver un samedi! -Mais le type a quand même une hache, fit remarquer Arthur d'un air incrédule. -Plastique, répondirent les deux compères."
Arthur fit une moue dubitative, bien qu'il soit contraint d'admettre qu'il ne voyait pas d'autre explication. De toute façon l'homme en armure n'était plus, sorti de son champ de vision. A cet instant, l'éminent professeur Anselme interrompit son laïus, fouillant frénétiquement dans sa sacoche. Après de vaines recherches, il émit un soupir éploré et leva les yeux pour la première fois depuis le début de la séance.
"J'ai oublié les plans de cours que je voulais vous donner, déclara-t-il. Ils sont sans doute dans la loge des appariteurs. Qui est vol… -MOI, hurla Arthur en se levant brusquement."
Les étudiants présents dans l'amphithéâtre se tournèrent tous vers lui, l'observant d'un œil mauvais. Certains d'entre eux, sans doute avides d'une occasion de sortir de cet endroit, avaient à peine eu le temps de lever la main. Arthur devint alors blême, réalisant qu'il avait hurlé sans le vouloir. Lui qui aimait passer inaperçu, c'était raté. A côté de lui, ses camarades détournèrent le regard, préférant faire comme s'ils ne le connaissaient pas.
"Que ce monsieur très enthousiaste veuille bien descendre alors, fit monsieur Anselme d'un air amusé."
Arthur s'exécuta, descendant les marches grinçantes du vieil amphithéâtre en passant entre des rangées d'étudiants momentanément silencieux et hostiles. Lorsqu'il arriva devant la chaire du professeur, celui-ci le toisa un instant, comme s'il voulait être certain de retenir la physionomie du jeune homme : grand mais trop mince, voire dégingandé, des traits fins malgré une barbe de trois jours, des joues rougissant facilement, des yeux gris-bleu ahuris, de courts cheveux noirs coiffés à la va-vite. Le tout vêtu d'un jean défraîchi, d'une chemise noire débraillée et d'une vieille paire de converses. Un étudiant normal, voila ce que semblait dire le regard du professeur du point de vue d'Arthur.
"Ne traînez pas en chemin, dit simplement le professeur. -D'accord. -Précisez que c'est moi qui vous envoie. -Entendu, fit Arthur."
Il fila sans demander son reste et sortit de l'amphithéâtre via deux portes grinçantes, espérant que tout le monde aurait oublié son intervention expansive d'ici son retour. Dans le milieu universitaire, on avait vite fait de ranger un étudiant inconnu dans la case "dégénéré". Il avait déjà trop peu de camarades sur les bancs de la fac pour tolérer le colportage de ce genre d'image. Déambulant dans les couloirs quasiment vides de la Sorbonne, il ne put s'empêcher de repenser au personnage en armure, s'interrogeant sur sa présence dans la cour. Mardi gras était loin après tout. De plus, à moins qu'un énorme quiproquo administratif n'ait eu lieu, les étudiants en médecine n'avaient rien à faire dans le bâtiment.
"Tu es trop parano, laisse tomber, marmonna Arthur en arrivant devant la loge des appariteurs. -Pardon? fit l'appariteur d'un air désabusé. -Euh… je viens récupérer les polycopiés du professeur Anselme, bégaya Arthur. Il les a oubliés."
A moitié caché derrière la vitre de sa loge et derrière d'épais verres de lunettes, l'appariteur dévisagea Arthur avec méfiance, puis consentit à sortir pour lui donner une épaisse pile de documents. Le jeune homme repartit alors en sens inverse, à travers le dédale opulent de l'université mythique. Au moment où il allait s'engager dans la galerie Richelieu, il remarqua une jeune fille au teint pâle qui scrutait un plan de l'université placardé sur un mur du hall. Il ne put alors s'empêcher de s'attarder sur cette nouvelle apparition, bien plus attrayante que la précédente. La nymphe (ce terme avait jailli dans son esprit dès que son regard s'était portée sur elle) se caractérisait par une longue chevelure blond platine, d'une raideur indiscutable, et des yeux d'un bleu délavé, soulignés par des sourcils très fins, voire inexistants. Elle portait une immonde sacoche en tissu rose ornée de papillons noirs probablement tout droit sortis des bouches de l'enfer. Plus proche des cieux que des limbes, Arthur se garda toutefois de l'assimiler à une étudiante perdue, au regard de son accoutrement recherché. Si elle s'était apprêtée à partir explorer l'Amazonie, elle n'aurait pas pu se vêtir autrement : d'épaisses bottes en daim ; un ample pantalon en toile beige, semblable à ceux de la légion étrangère ; un chemisier noir et une veste beige rembourrée. Cette allure tranchait dramatiquement avec les standards habituels de la sorbonnarde traditionnelle. Alors qu'Arthur s'escrimait à analyser les raisons du pourquoi du comment, la jeune fille se tourna le remarqua, à son immense surprise, et se dirigea vers lui sans ménagement.
"C… Cour d'honneur? demanda-t-elle avec un fort accent d'Europe de l'est. -Russe? On dirait qu'elle ne parle pas vraiment français, pensa Arthur. Euh, par là, puis le premier couloir à gauche. -Heu… Répéter s'il te plaît!"
Comprenant qu'elle n'avait pas saisi ses explications, il les réitéra plus lentement, accompagnant ses indications de vagues mouvements du doigt. Cette fois-ci, elle parut satisfaite et afficha un sourire poli.
"Merci, souffla-t-elle"
Arthur se serait volontiers noyé dans son regard si elle lui en avait laissé le temps. A son grand dépit, elle détala dans la direction qui lui avait été indiquée, sans même se retourner. Il la contempla s'éloigner bouche entrouverte, concentré sur le mouvement de balancier de ses longs cheveux presque blancs. Un effet de ralenti n'aurait jamais, à son humble avis, aussi bien capturé cette fuite divine que ne le faisaient ses yeux à cet instant. C'est alors qu'une considération parasite vint perturber sa douce illusion pour le ramener dans le (trop réaliste) couloir de l'université.
"Mais… Mais… y'a le dingue à la hache là-bas, s'écria-t-il soudain."
Deux étudiants qui passaient près de lui écarquillèrent les yeux, le prenant sans doute pour un fou. Arthur n'y prêta pas attention. Ce ne serait jamais que la troisième fois de la journée. Par contre il se sentit honteux d'avoir envoyé la jeune femme dans la cour sans l'avoir prévenue de la présence d'un étudiant en médecine pervers ou d'un futur époux mal luné, se promenant dans les alentours avec une hache, en plastique ou non. Qui pouvait savoir si cet énergumène, quel qu'il soit, n'allait pas la prendre à parti pour une farce sordide de célibataire? Arthur demeura figé dans la galerie, s'imaginant une multitude de scénarios où la jeune femme était importunée. L'un d'entre eux plongeait l'innocente victime dans un guet-apens : elle était attaquée par des multitudes d'œufs, puis aspergée de farine, avant d'être exposée au public. Bien que peu probable, il ne fallait pas exclure cette hypothèse. Horrifié, Arthur observa sa montre, se disant qu'il pouvait bien perdre deux ou trois minutes pour la rattraper et l'avertir. Il n'aurait qu'à expliquer au professeur Anselme que l'appariteur avait mis du temps à trouver les documents. Déterminé à être le héros inattendu de cette demoiselle en détresse, il partit dans la même direction qu'elle, sa lourde pile de papier sous le bras.
Après avoir couru pendant deux ou trois minutes à travers de larges couloirs au sol de marbre (dans lesquels il s'étonna de ne croiser personne), il finit par arriver dans le luxueux hall jouxtant la cour d'honneur. Celui-ci était étrangement vide de monde, cette absence étant compensée par la présence encombrante de plusieurs échafaudages devant les entrées des amphithéâtres. Arthur se rappela alors que cette partie de l'université était en rénovation et que personne n'avait donc de raison de s'y rendre. La porte menant à la cour d'honneur n'était qu'à quelques pas de lui, entrebâillée. La jeune femme l'avait sans doute empruntée récemment, il ne restait qu'à prendre la même direction. Toutefois, pour une raison qu'il ignorait, il hésita à continuer son chemin. Arthur était saisi d'une subite appréhension qui le poussait à rebrousser chemin pour rejoindre son cours et oublier le reste. Peut-être s'agissait-il du souvenir de la hache dorée aperçue par la fenêtre. Cette arme, même fausse, aurait inspiré la peur à n'importe qui. D'un autre côté, il sentait qu'il devait finir ce qu'il avait commencé, boucler la boucle. Comme le répétait perpétuellement son grand père, Eric Gall, "Lorsque l'on décide d'entamer quelque chose, on va jusqu'au bout". Victime de cette lutte interne, Arthur hésita un moment, le regard fixé sur sa montre. 10h21. Cela faisait déjà plus de cinq minutes qu'il était parti effectuer cette commission pour le professeur Anselme.
"Oh et puis zut, marmonna-t-il, résigné. Je ne suis plus à deux minutes près!"
Et puis, que pouvait-on bien risquer dans une fac parisienne un samedi matin? pensait-t-il en ouvrant la porte menant à la cour d'honneur.
"BOUM"
Une explosion venait de se produire en plein milieu de la cour, sous son regard perplexe. Des débris de dalles volèrent dans tous les sens tandis qu'une fumée épaisse se répandait devant lui. C'est alors qu'il vit une masse indistincte tomber du ciel en émettant un cri strident. Une forme? Non, il s'agissait de la jeune femme blonde du hall qui venait apparemment d'être projetée dans les airs. Stupéfait, Arthur ne se posa pas de questions, laissa instinctivement tomber sa pile de paperasse et courut pour la rattraper, avant qu'elle ne s'écrase au sol. Ses genoux ployèrent douloureusement au moment où elle tomba in extremis dans ses bras.
"Aïeuh…, gémit-t-il sur le coup, tout en réprimant une grimace."
Apparemment surprise d'être encore vivante, la jeune femme demeura figée lorsque Arthur la déposa au sol. Elle était aussi blanche qu'une feuille de papier à grain et sa chevelure disciplinée avait subi quelques travers.
"Dis, ça va? lui demanda Arthur. -Mmm…, marmonna-t-elle, encore sonnée."
Au moment où Arthur commençait à se demander à quel saint s'adresser pour justifier la chute de la jeune personne, il sembla qu'une voix étrangère l'apostrophait.
"Wow, that was a nice catch lad (Belle réception camarade), s'exclama une voix masculine."
Arthur se retourna. Celui qui venait de l'interpeller ainsi, dans un anglais très britannique, se tenait au centre de la cour, en plein milieu de volutes de fumée. Il s'agissait un jeune homme blond aux joues écarlates et au regard vif, vêtu exactement comme la jouvencelle tout juste tombée du ciel. Il dévisageait Arthur avec un mélange de surprise et d'admiration qui sema encore le doute chez ce dernier. Il avait l'impression qu'un cousin éloigné du Prince William lui faisait face, le jaugeant d'un regard béat. Soudain, l'homme en armure, dont Arthur avait presque oublié l'existence, surgit de nulle part tel un diable sorti de sa boîte et tenta d'abattre sa hache sur l'ersatz de Prince William blond, dans un sifflement assourdissant. Arthur en tressaillit.
"A… Attention, cria-t-il, pétrifié par cette scène digne de fiction."
L'autre esquiva l'attaque comme si de rien n'était, alors que la hache se plantait dans une dalle avec un bruit assourdissant. Il s'éloigna d'un pas sans se soucier d'une réaction éventuelle de son assaillant, puis fit une courbette très aristocratique à Arthur, créant un éphémère désordre dans sa chevelure rangée. Arthur assista alors à une scène qui ne pouvait relever que de l'hystérie collective. A son grand ébahissement, une sphère en verre dont émanait une étrange lumière rouge émergea soudain de la fumée, se mouvant par sa propre volonté. La "chose" se mit à virevolter dans tous les sens, puis effectua de grands cercles dans les airs. Arthur écarquilla les yeux, médusé, tandis que la jeune femme blonde – apparemment russe – reprenait subitement ses esprits et se mettait à héler son comparse dans son langage maternel. A la grande surprise d'Arthur, l'autre répondit en anglais, tout en observant la sphère d'un air embarrassé :
"It's obviously not my fault, damn it. (Tu vois bien que ce n'est pas de ma faute bon sang!)" | |
| | | Valère Caru (très rapide .... pour la fuite)
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| Sujet: Re: Les chroniques de Sorgentel Mar 22 Avr 2008 - 23:15 | |
| Alors que l'homme en armure se mettait à courir maladroitement à la poursuite de la sphère, deux autres protagonistes sortirent subitement du bâtiment par la même porte que venait d'emprunter Arthur, passèrent devant ce dernier sans même le remarquer et partirent à la poursuite de la sphère. Il y avait là un adolescent asiatique qui ne devait pas avoir plus de quatorze ans et une jeune femme noire, tous deux vêtus du même accoutrement que la nymphe blonde.
"Jamie, qu'est-ce qui se passe? lança, en français, la jeune femme noire au britannique. -You might want to keep this question for some better time and get that flying thing now Sally! And Xenia seems to be pretty spaced out (Tu ferais mieux de garder ce genre de questions pour plus tard et d'attraper ce truc volant Sally. En plus Xenia a l'air d'être dans les vapes), répondit le dénommé Jamie d'une voix paniquée. -Mince, rumina Sally."
Xenia? La jeune femme russe? Arthur commençait à avoir le tournis. De toute évidence ces gens se comprenaient alors qu'ils parlaient tous des langues différentes. Tandis que la dénommée "Sally" s'approchait de lui d'un air méfiant, le jeune garçon asiatique partit à la poursuite de l'homme en armure et, après l'avoir coursé sur plusieurs mètres, lui fit un violent croc-en-jambe. L'homme s'écrasa au sol tandis que le garçon se mettait à rire d'un air sadique.
"Shui, récupère le sceau avant qu'il ne disparaisse encore, lui intima Sally en aidant Xenia à reprendre ses esprits."
Le garçon asiatique au regard antipathique ("Shui", visiblement) la regarda d'un air mauvais, puis s'évertua à effectuer de vains sauts dans les airs pour essayer d'attraper la sphère voletant au-dessus de sa tête. Jamie (le britannique, apparemment) le rejoignit pour lui prêter main forte, en vain. Pendant ce temps-là, Sally (la jeune femme noire? Arthur ne savait plus), après s'être assurée que Xenia (la nymphe russe et blonde?) allait bien, s'approcha d'Arthur et l'observa des pieds à la tête, de ses yeux en amande. Grande et élancée, ses cheveux étaient attachés en une queue de cheval assez approximative. Elle était assez mignonne. Arthur se sentit de suite mal à l'aise.
"Qu'est-ce que tu fais là? lui demanda-t-elle d'une voix neutre. -C'est peut-être à moi de vous poser cette question, rétorqua Arthur d'un air aussi assuré que possible."
Xenia murmura rapidement quelque chose à l'oreille de Sally.
"Oh, je comprends, fit Sally. Xenia n'a pas eu le temps de sécuriser l'endroit. -Sécuriser l'endroit? Quel genre de psychopathes êtes-vous? s'inquiéta Arthur. DGSE? FBI? MI-6? Et comment vous faites pour vous comprendre? Et surtout C'EST QUOI CE TRUC VOLANT?"
A proximité, Jamie et le garçon nommé Shui continuaient à effectuer des sauts pour tenter d'attraper la sphère rouge. Las, celle-ci s'évertuait à rester hors de leur portée, telle un insecte vicieux.
"Euh… c'est une longue histoire, répondit Sally. Toujours est-il que tu n'aurais pas dû voir tout ça. C'est embêtant, vraiment embêtant… Que doit-on faire Xenia?"
Xenia lui répondit quelque chose en russe mais l'expression de Sally montra qu'elle n'était pas vraiment satisfaite de qui venait de lui être proposé.
"Oui, je suppose que Sonia est quand même la mieux placée pour décider, admit-elle. -Sonia? C'est votre chef? s'inquiéta Arthur."
Une détonation retentit au moment où Sally allait répondre. L'homme en armure venait de reprendre ses esprits et effectuait de violents mouvements de hache en direction de Shui et Jamie. Une explosion de lumière dorée semblait se déclencher à chaque fois que la lame de sa hache frappait le sol.
"Zut, on l'avait oublié celui-là, s'écria Sally d'un air paniqué. Xenia!"
La jeune femme russe au teint pâle hocha la tête et sortit d'une des poches de veste une sorte d'oreillette qu'elle plaça dans le creux de son oreille. Puis elle communiqua en russe avec un interlocuteur inconnu, d'une voix hâtive.
"Mais ils vont se faire tuer, cria Arthur."
L'homme à la hache avait poursuivi ses deux cibles jusqu'à les acculer dans un angle de la cour. Là, constatant qu'ils n'avaient plus la possibilité de fuir, il se rapprocha doucement d'eux, un rictus sur les lèvres.
"Pas de problème, eux savent débrouiller, expliqua Xenia dans un français approximatif. Et nous soyons pas seuls ici! -Y'en a d'autres? Et merde, je devrais être en cours depuis un moment, s'exclama Arthur en regardant sa montre. Je vous laisse régler vos affaires et je ferai comme si je n'avais rien vu. Bonne chance!"
Sally le rattrapa brutalement par le col de la chemise alors qu'il tentait de repartir.
"Ne bouge pas pour l'instant. Je ne peux pas te laisser partir tant qu'elle ne t'aura pas parlé. -Qui? -Sonia voyons! -M'en moque de Sonia, laissez moi partir! Je ne veux pas me faire tuer par le type à la hache quand il en aura fini avec le british et le gamin asiatique, hurla Arthur en se démenant. Jamui et Shamie je ne sais pas quoi! -Shui et Jamie, corrigea Sally. -S'il te plaît, attends, lui dit calmement Xenia. Quand problème réglé, tu pouvoir partir. -Oui, tu pouvoir partir après, confirma Sally avec un sourire gêné. Xenia, parle en russe par pitié, tu brouilles mon Etemenanki avec ton français bizarre. -Ok."
Arthur se résigna et demeura immobile, observant néanmoins avec appréhension ce qu'il se passait de l'autre côté de la cour. Alors que l'homme en armure s'approchait dangereusement des deux garçons, une brique tomba soudain du ciel et s'écrasa à ses pieds. Il leva la tête, intrigué (du moins, Arthur supposa que le mastodonte était intrigué, sa bouche étant grande ouverte). C'est alors que des dizaines d'autres briques chutèrent vers lui à la vitesse de missiles Scud, l'obligeant à battre en retrait pour se protéger.
"Quoi encore? gémit Arthur. Il pleut des briques maintenant!? -Oh, ça c'est du Rachel tout craché, soupira Sally. Je crois qu'elle en veut encore à Mach de l'avoir ennuyée lors de notre dernière rencontre. -Mach? -Dis-moi plutôt si tu vois où est passé le sceau. Je ne l'aperçois nulle part. -Le sceau?"
Alors que la pluie de briques semblait laisser place à une éclaircie, une gigantesque plaque en tôle - sans doute venue des échafaudages – lévita au-dessus de la cour et s'abattit soudain sur la tête de l'homme dans un bruit de métal qui déclencha un large sourire sur le visage de Jamie.
"Rachel, n'en fais pas trop, cria Sally en levant les yeux au ciel, il ne faut pas ameuter tous les occupants de cette fac!"
Alors qu'elle levait la tête, Sally se figea, yeux grands ouverts. La sphère voletait à un peine un mètre au-dessus de leurs têtes. Arthur leva les yeux aussi. Ce que Sally avait qualifié de sceau était en fait une boule de cristal opaque à l'intérieur de laquelle on pouvait distinguer une flamme rouge. La sphère effectuait d'infimes mouvements dans les airs, comme si elle était douée de conscience.
"Ho ho, fit Xenia. -Comment ça "ho ho"? demanda Arthur. -Vite, écarte-toi, lui invectiva Sally."
Avant même qu'Arthur n'ait eu le temps de réagir, la sphère avait chuté comme une pierre et s'était infiltrée dans sa tête via son front. Xenia plaqua sa main sur sa bouche, horrifiée.
"Dis, commença Sally d'une voix tremblante, est-ce que tu…"
Arthur était incapable de réagir ou de répondre, abasourdi. L'objet étrange qui flottait encore dans la cour quelques secondes auparavant venait de s'insinuer dans son cerveau. Sa vue commençait à devenir trouble et il avait de plus en plus de mal à entendre les voix de Sally et Xenia, comme si son esprit s'éloignait de la cour.
"Je… est-ce que je suis en train de…"
L'image de la cour d'honneur s'effaçait progressivement, remplacée par un épais voile de fumée. Arthur se sentit alors assailli par des centaines d'images dont il ne comprenait pas le sens : un gigantesque aigle rouge au plumage luisant, une série d'explosions, un homme en costume élégant, une bâtisse en forme de dôme, un obélisque cerné par les eaux… Les images défilaient de plus en plus vite, au point de lui donner la nausée. Il avait beau fermer les yeux, celles-ci s'enchaînaient dans son esprit à un rythme étourdissant : une épée étincelante, une forêt d'arbres morts, une sorte de tigre entouré de flammes, une femme en robe blanche… Aucun moyen d'arrêter cet étrange défilé. Soudain, sentant que sa tête allait exploser, Arthur poussa un cri strident. Les images s'arrêtèrent subitement et il reprit le contrôle de ses sens. Des bribes de conversation résonnèrent à ses oreilles.
"Il faut appeler de l'aide Jamie, je crois qu'il va mourir. -@*£% § **$¨^ -##à ¤@ -Oui, bien sûr. Il ne faut pas que ce garçon meure alors qu'il n'est même pas concerné par tout ça. Pourquoi le sceau s'est-il réfugié dans sa tête?"
Arthur ouvrit les yeux. Il était étendu sur le sol glacé de la cour et les visages inquiets de Sally, Jamie et Xenia étaient penchés sur lui. Ils semblèrent soulagés de le voir reprendre conscience.
"Hé lad, on a eu peur, dit Jamie en français."
Arthur grogna, ressentant une douleur atroce dans sa tête. Il avait l'impression de pouvoir sentir le moindre neurone meurtri de son cerveau.
"Aaaaaaah, fit laborieusement Arthur. -Tu est devenu hystérique, s'exclama Sally. Tu te roulais par terre en hurlant, les yeux injectés de sang. Attention, tu baves un peu… -Qu'est-ce que vous m'avez fait, gémit Arthur."
Il tenta de se relever mais n'avait pas même la force de bouger le petit doigt. C'est alors qu'il pensa au professeur Anselme et au reste de l'amphithéâtre qui l'attendaient de l'autre côté de l'université. Sans savoir pourquoi, il fut pris d'un rire sarcastique. Penser au cours alors qu'il n'était même pas sûr d'être vivant et qu'il ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. C'était bien son genre. Soudain, Shui qui s'était tenu à distance jusque là, recula d'un pas et émit un bref sifflement. Arthur put alors apercevoir le scintillement doré de la hache du fou furieux qui semait la panique depuis qu'il était entré dans cette cour. Celui-ci, profitant de l'inattention de tous, s'était relevé et se tenait juste devant Shui.
"Donnez… moi… le garçon, murmura-t-il d'une voix caverneuse en désignant Arthur du doigt. -Qui? Moi? s'écria Arthur en manquant de se décrocher la mâchoire. Pourquoi moi? -That bloody guy won't die (Ce gars refuse de mourir), râla Jamie en se relevant. -Rachel, on doit éloigner ce garçon de Mach à tout prix, lança Sally à voix haute. Ca te dirait de nous refaire ton cirque de tout à l'heure?"
Ignorant les protestations d'Arthur, Jamie le saisit comme s'il avait été un simple colis de la poste et le mit sur son dos.
"Lâche-moi!! -Tu préfères que je te donne à Mach the Executioner? demanda Jamie avec bonhomie."
Arthur se tut, fixant "Mach the Executioner" du regard. Malgré le heaume qui lui cachait la partie supérieure du visage, il devinait que celui-ci n'avait désormais d'intérêt que pour lui. Il ne protesta plus et s'accrocha aux épaules de Jamie.
"Rachel!! cria Xenia. -Ok! Ok, hurla une voix apparemment courroucée."
La voix venait manifestement du sommet de l'imposante chapelle de la cour d'honneur. Au moment où Arthur tournait la tête dans cette direction, il fut stupéfait de voir une statue voler dans leur direction à toute vitesse et s'abattre au sol, entre eux et Mach. Celui-ci recula, surpris.
"Il faudrait voir à mieux viser, s'époumona Sally. Jamie, on y va!!! -Hell yeah, cria Jamie en détalant avec Arthur sur son dos."
Le petit groupe profita de l'effet de surprise pour contourner Mach et courir vers la porte qui donnait sur la sortie de la Sorbonne. Arthur, violemment trimballé par son porteur mais soucieux de savoir qui avait pu projeter des briques, des plaques de métal et des statues – à la valeur inestimable – tourna rapidement la tête pour observer le sommet de la chapelle. Il eut juste le temps d'apercevoir la silhouette d'une femme perchée devant l'horloge, avant qu'il ne soit interpellé par la voix de Shui, le garçon asiatique.
"Qu'est-ce qu'il dit? Il parle quelle langue? cria Arthur en craignant de tomber du dos de Jamie. -Il parle chinois. Il dit que d'une part tu es un boulet et que d'autre part la porte semble verrouillée, expliqua Sally sans s'arrêter de courir."
Arthur leva la tête par-dessus l'épaule de Jamie et constata qu'effectivement les deux portes battantes étaient solidement entravées, comme tous les samedis.
"Alors pourquoi on court vers là-bas? s'écria Arthur d'un air paniqué. -Car Mach juste derrière toi, fit remarquer Xenia d'une voix essoufflée."
Le sifflement du métal à quelques centimètres de sa tête ramena Arthur à la raison. Mach les suivait de près, courant aussi vite que le lui permettait son lourd attirail. Cela ne l'empêchait pas d'être tout au plus à une longueur de bras d'Arthur et Jamie. | |
| | | Valère Caru (très rapide .... pour la fuite)
Nombre de messages : 14 Age : 40 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/04/2008
| Sujet: Re: Les chroniques de Sorgentel Mar 22 Avr 2008 - 23:16 | |
| "J'aurais mieux fait de continuer ma sieste au chaud, pleura Arthur en inondant littéralement la veste de Jamie. -Pas de souci, je suis doué, fit Jamie en accélérant soudain."
Au grand dam d'Arthur, Jamie fonça vers la porte à toute vitesse, prenant de court tous ses compagnons. Puis, contre toute attente, il projeta son poing droit dans l'un des battants. La porte vola alors en éclat dans un bruit assourdissant, libérant le passage.
"In… Incroyable, bégaya Arthur. Comment tu as… comment? -Top secret, ricana Jamie en s'engouffrant par l'entrée qu'il venait de créer. A propos, comment t'appelles-tu "boulet"? -A… Arthur. -C'est un honneur Arthur!"
Sally, Xenia et Shui se faufilèrent à leur tour par le passage et tous aboutirent dans une petite rue attenante à l'université. Arthur observa alors rapidement les alentours : personne, seulement quelques voitures garées. Cela semblait anormal vu qu'il s'agissait d'un lieu généralement assez fréquenté par les touristes et les étudiants du quartier. Le petit groupe s'éloigna au pas de course pendant que Mach semblait lutter pour passer à travers le passage qu'avait occasionné le punch de Jamie.
"Ca va aller? demanda Sally en observant Arthur d'un air perplexe. -J'ai la tête qui tourne… -Ne t'inquiète pas, on va te sortir de là."
Il put voir Sally échanger un regard indécis avec Jamie, ce qui ne le rassura guère, d'autant plus qu'à force d'être secoué sur le dos de ce dernier il commençait à se sentir de plus en plus mal. Et cette sensation désagréable dans sa tête… comme s'il avait le cerveau compressé. La seule idée de savoir cette sphère dans son crâne lui donnait des frissons, malgré la température relativement clémente.
"Ces images dans ma tête… c'était quoi? murmura-t-il."
Xenia le regarda sans s'arrêter de courir. Elle semblait le considérer avec compassion, ce qui le perturba encore plus. Elle s'arrêta soudain en pleine course, alors qu'un sifflement morbide résonnait à leurs oreilles.
"Baissez-vous, hurla instinctivement Arthur."
Ils s'exécutèrent immédiatement, se jetant au sol au moment où la hache dorée de Mach volait au-dessus de leurs têtes en tournoyant. Elle fit demi-tour après avoir tranché un poteau en métal en deux, puis revint dans la main droite de son propriétaire. Arthur était tombé du dos de Jamie lorsque celui-ci avait chuté et avait roulé à quelques mètres de là. Etourdi et incapable de se remettre debout, il se contenta de rassembler le peu de force qu'il lui restait pour s'adosser contre une berline garée près de lui. Pourquoi n'y avait-il personne dans cette maudite rue pour alerter les policiers?
"Arthur, cria Jamie."
Arthur leva les yeux. Mach se tenait juste devant lui, cachant la lumière du soleil de son corps massif et serrant la gigantesque hache dans sa main. Le jeune homme se mit à trembler comme une feuille, ressentant l'étrange vague de haine qui semblait venir de son agresseur. Ce dernier continuait à se tenir devant lui mais n'agissait pas, comme s'il ne savait pas quelle initiative prendre. Arthur pouvait deviner que la présence du sceau dans sa tête y était pour quelque chose. Alors que Jamie se relevait pour lui venir en aide, Shui s'interposa, lui bloquant le passage. Il avait l'air déterminé à ne pas le laisser passer. Pour laisser mourir Arthur? Xenia dit quelque chose en russe sur un ton qui semblait désapprobateur, mais le jeune garçon l'ignora, le regard fixé sur Mach. Il apposa brusquement la paume de sa main droite sur le sol tandis que d'épais nuages noirs apparaissent dans le ciel.
"Shui-Khan, s'écria Sally, Sonia t'a interdit de…"
Elle s'interrompit, entendant un crissement de pneus au loin tandis que ce qui semblait être le manche d'une épée émergeait lentement du sol en émettant d'étranges éclairs blancs, sous la main de Shui. Mach détourna son attention d'Arthur, considérant le manège du garçon avec attention. Soudain, une Ford Focus gris métallisé venue de nulle part effectua un violent dérapage à l'angle de la rue. Paniqué, Shui s'immobilisa. L'épée qu'il faisait apparaître depuis quelques secondes se dissipa avant même d'être sortie du sol. L'engin s'était arrêté au bout de la rue mais le moteur tournait toujours. Arthur se demanda si le conducteur venait de réaliser que des évènements étranges prenaient place ici et hésitait donc à s'engager dans ce passage. La réponse ne se fit attendre : le moteur de la voiture se mit à vrombir et celle-ci démarra, prenant rapidement de la vitesse. A la grande stupeur d'Arthur, la voiture fonça droit vers Mach. Le géant en armure s'écarta du jeune homme, effectua un bond impressionnant au dessus de la Ford et atterrit lourdement quelques mètres plus loin tandis que la voiture manquait de renverser Jamie et Shui, effectuait un violent freinage, puis un dérapage qui la fit aboutir dans une grande poubelle municipale verte. Arthur vit Xenia devenir plus blême qu'elle ne l'était déjà.
"Sonia! Est-ce que tout va bien? fit Sally en se dirigeant vers la voiture."
Un grognement fit office de réponse. Avant que Sally n'ait eu le temps d'atteindre la voiture, la portière s'ouvrit du côté conducteur et une femme en descendit en se frottant énergiquement le front. Arthur fut alors partagé entre la déception de ne pas voir quelqu'un de plus impressionnant physiquement et l'intimidation que lui inspirait cette personne. Il s'agissait d'une femme d'une trentaine d'années aux longs cheveux blonds. Elle était vêtue de manière plutôt urbaine : un simple jean et une chemise rouge de style asiatique. Elle avait des lunettes de soleil posées sur la tête, par-dessus sa longue frange, et une petite tresse maintenue par un ruban rouge ornait sa chevelure. C'était elle Sonia? La femme claqua la portière de sa voiture, fit un bref sourire à Sally comme pour la rassurer sur son état puis se planta à côté d'Arthur sans le regarder. Toute son attention semblait désormais concentrée sur Mach. Celui-ci faisait de même, la toisant de loin à travers son heaume. Après un long échange de regards sans que la moindre parole fût prononcée, Mach recula de quelques pas. A cet instant, un croassement inquiétant résonna et fit écho dans la ruelle. Une corneille au plumage brillant qui se trouvait au sommet d'un immeuble vola jusqu'à Mach et se posa sur son épaule gauche. La bête tourna la tête dans plusieurs directions, scrutant tout le monde de ses yeux bleus perçants et s'attardant plus particulièrement sur Arthur. Ce faisant, il remarqua qu'elle avait un minuscule anneau en or sur l'une de ses pattes.
"Ca suffit, murmura Sonia."
Elle avait le regard dur et la mâchoire serrée, tentant visiblement de tenir tête à Mach et à son animal. La corneille émit un "Crôa" strident comme pour lui répondre, puis ses yeux bleus se mirent à étinceler. Alors, Mach et l'Animal disparurent dans un halo de lumière qui se dissipa presque aussitôt. Il n'y avait plus la moindre trace de leur présence. C'en était trop pour Arthur qui en perdit le souffle. Sonia ferma les yeux et soupira longuement. Le calme était subitement revenu. Ignorant toujours Arthur qui était pourtant tout près d'elle, elle se tourna vers Shui en faisant la moue.
"Shui-Khan Liu, que t'ai-je dit à ce sujet? demanda-t-elle d'un ton professoral. Tu tiens à attirer l'attention? -@*£% § **$¨^ % § * -Ce n'est pas une excuse, répliqua calmement Sonia. Et ne hausse pas le ton avec moi sale gosse! -**$¨^ @*£% § -Quoi? Quel boulet? -Il parle de lui, intervint Sally en désignant Arthur du menton."
Arthur commençait à perdre la raison, il en avait trop vu en un laps de temps si réduit. Tout cela dépassait l'entendement, il ne pouvait qu'être en plein délire. Autrement, il ne pouvait rationnellement expliquer ce qui s'était passé. Sonia se tourna vers lui, écarquilla les yeux comme si elle venait de remarquer sa présence et s'agenouilla.
"Ah oui, fit-elle. C'est lui! -The seal went straight to his head (Le sceau s'est logé dans sa tête), expliqua Jamie en anglais. -Comment est-ce possible? Et surtout pourquoi? s'écria Sonia en scrutant le front d'Arthur comme si elle s'attendait à y trouver une faille."
Shui haussa les épaules, observant Arthur d'un œil torve. Xenia se mit alors à parler à Sonia en russe. Apparemment elle lui expliquait en détail ce qui s'était passé.
"Vous pourriez ne pas parler de moi comme si je n'étais pas là? marmonna Arthur. Je ne comprends pas le russe mais j'entends mon nom. -Désolée, s'excusa Sonia en continuant à le dévisager. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé. -Bienvenue au club… -Jamie, viens m'aider à le relever s'il te plaît."
Jamie s'exécuta prestement et aida Arthur à s'asseoir sur le capot d'une berline. Il était encore un peu nauséeux mais commençait déjà à sentir le sang affluer de nouveau dans ses membres.
"Comment t'appelles tu? demanda Sonia. -Boulet! cria Shui. -Je croyais qu'il ne parlait pas français, aboya Arthur. -C'est l'un des rares mots qu'il connaisse, soupira Sally. -Mouais. -Ne fais pas attention à lui. Comment t'appelles-tu? répéta Sonia -Arthur… Arthur Gall."
Sonia hocha lentement la tête et sourit. Ses grands yeux marrons trahissaient néanmoins sa perplexité.
"Xenia, tu peux aller rétablir l'accès à cet endroit et prévenir Rachel qu'on ne va pas tarder à repartir. -Hum, fit Xenia en s'éloignant."
Arthur se sentait de plus en plus mal à l'aise, constatant que Sally, Jamie, Shui et Sonia l'observaient fixement. Il avait le sentiment qu'il ne réintégrerait pas son cours de suite. Sonia fouilla dans une de ses poches de jeans et tendit une carte de visite assez austère à Arthur. On pouvait y lire "Trujillo Editions" et une adresse située à Paris.
"Je pense qu'il vaut mieux que tu réintègres rapidement la fac avant que les gens ne s'inquiètent pour toi, déclara-t-elle. -Ah…, fit simplement Arthur en observant la carte de visite avec incrédulité. -Néanmoins tu devrais venir me voir à cette adresse le plus rapidement possible, continua-t-elle. Tu as évidemment le choix, mais il serait dans ton intérêt de me recontacter. -Euh… ne le prenez pas mal, mais… mais après ce qu'il m'est arrivé je ne tiens pas vraiment à vous revoir… tous autant que vous êtes. Je croise cette autre fille, je veux l'aider à trouver son chemin, et résultat je me fais agresser par ce dingue et posséder par je ne sais quel gadget volant!"
Arthur se mit à trembler, envahi par la colère.
"Je ne sais pas qui vous êtes, mais je n'ai rien demandé! Je ne veux pas être mêlé à vos affaires! J'ai suffisamment de problèmes comme ça."
Il était conscient d'avoir haussé le ton, mais il s'en moquait. A ses yeux c'était légitime après ce qu'il venait de vivre. Jamie et Sally échangèrent des regards gênés.
"Je te comprends, répondit Sonia d'une voix neutre. Tu as le droit d'aspirer à une vie normale…"
Elle hésita.
"…c'est pour cela que je suis certaine que nous nous reverrons Arthur Gall, conclut-elle avec un sourire. Et sans doute plus vite que tu ne le crois."
Les autres firent de gros yeux, apparemment surpris. Shui semblait à deux doigts d'imploser.
"Bien! Sur ce nous allons nous retirer chers amis, s'exclama Sonia en tapant à deux reprises dans ses mains. -Quoi? C'est tout? répliqua Arthur, aussi surpris que les autres. -Tout le monde dans la voiture, lança Sonia en se détournant de lui. Les filles doivent être de l'autre côté du bâtiment. On va les récupérer en chemin. -Mais… Sonia? bégaya Sally."
La jeune femme noire avait l'air sidéré. Malgré cela, Sonia fit un bref signe de la main à Arthur puis se dirigea vers sa voiture pour y prendre place. Sally et Jamie observèrent silencieusement Arthur, lui firent des sourires gênés puis suivirent le mouvement. Seul Shui demeura immobile un moment, le contemplant avec hauteur. L'adolescent était relativement petit de taille, bien qu'il semble avoir treize ou quatorze ans. Ses cheveux noirs étaient coupés courts et il avait une mine renfrognée, comme s'il tentait avec peine de sonder l'esprit de sa cible visuelle. Si les yeux pouvaient tirer des balles de revolver, Arthur serait déjà mort, le corps criblé. Résigné, le garçon tourna les talons et se dirigea à son tour vers la Ford. Arthur remarqua alors un signe tracé en noir sur le dessus de la main droite de ce dernier, une sorte de caractère chinois. La voiture démarra, effectua une marche arrière en percutant de nouveau la poubelle qu'elle avait déjà martyrisée, puis quitta la ruelle après être passée devant Arthur. Il les regarda passer la bouche ouverte, ne pouvant s'empêcher de se sentir brutalement délaissé, assis sur son capot de voiture.
"Hé, Art!"
L'intéressé se retourna, voyant plusieurs étudiants de son groupe se diriger vers lui. Comme beaucoup d'autres, ils venaient juste de sortir de l'université par une autre issue. L'un d'eux avait les affaires d'Arthur avec lui.
"Où t'étais passé? demanda-t-il en lui tendant son sac. -Euh… -Peu importe, t'as de la chance! Le cours a été sabordé au moment où Anselme commençait à pester au sujet de ton retard. -Apparemment des types ont foutu le bordel dans la cour d'honneur. Evacuation de tous les cours, des fois que ça soit des terroristes… -Euh… -Tu… tu vas bien Arthur?"
A ce moment, poursuivie par plusieurs voitures de police, la Ford de Sonia repassa en trombe devant Arthur, pulvérisa de nouveau la poubelle municipale, puis traça son chemin à travers le dédale de rues du quartier. Les camarades d'Arthur observèrent la scène d'un air douteux tandis que le bruit de sirènes s'éloignait.
"Je crois que je vais r… rentrer, murmura Arthur en prenant son sac d'un air blême. A p… plus."
Ce faisant, alors qu'il s'apprêtait à partir, il posa malencontreusement le pied droit sur quelque chose de mou. Il s'agissait d'un sac en toile rose recouvert d'ignobles papillons noirs. Arthur l'identifia comme appartenant à la jeune femme russe, Xenia. Elle l'avait sans doute oublié vu le départ précipité du petit groupe. Partagé, Arthur l'examina un instant, fit une moue dégoûtée puis s'en saisit pour le glisser prestement dans son sac à dos. | |
| | | Valère Caru (très rapide .... pour la fuite)
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| Sujet: Re: Les chroniques de Sorgentel Mar 22 Avr 2008 - 23:16 | |
| Chapitre 2 : Samuel I
"Je sens qu'il va m'annoncer de mauvaises nouvelles… comme d'habitude…"
L'homme soupira, accordant néanmoins un sourire à la corneille qui était perchée sur le dos de sa main.
"Qu'est-ce que tu en penses Munin?"
L'oiseau se garda bien de répondre, se contentant d'observer de ses yeux bleus étincelants celui qui s'adressait ainsi à lui. L'individu était affalé sur une chaise en bois rongée par les mites, mettant sa main droite en hauteur comme pour permettre à la corneille de conserver une vue plongeante sur lui. Ses cheveux noirs étaient peu distinguables dans l'obscurité de la pièce et seuls ses yeux vairons, dans lesquels se reflétait la lumière d'une lanterne, permettaient de suivre les mouvements de son visage.
"Ca y est, ils arrivent?"
Munin agita frénétiquement le bec et ses yeux perdirent de leur éclat. Samuel se leva alors prestement de la chaise et se tourna vers l'individu aux cheveux flamboyants qui était adossé au mur de pierre, derrière lui.
"Tu as gagné un peu de répit, déclara Samuel, je ne vais pas pouvoir t'importuner plus longtemps."
L'autre demeura coi. Il était tête baissée et totalement immobile. Son visage était dissimulé par de longues mèches de cheveux rouges comme le feu. De fait il était difficile de déterminer s'il était encore conscient. Ses poignets et ses chevilles étaient entravés par d'épaisses chaînes qui allaient se ficher dans le mur.
"Tu finiras bien par me donner ce que je veux, conclut Samuel en sortant de la geôle."
Tandis que Munin s'envolait de son épaule, Samuel déambula dans un lugubre couloir faiblement éclairé par des torches dispersées ça et là. Après avoir sinué plusieurs minutes dans ce tunnel interminable, il arriva devant une lourde porte en bois dont les gonds semblaient sur le point de rompre. Il l'ouvrit et se retrouva dans une salle circulaire totalement parée de blanc et éclairée par la lumière du soleil, traversant un dôme en verre. L'endroit, qui ressemblait à un sas de grande taille, était dépourvu du moindre objet, du moindre meuble. Il y avait juste une autre porte en face, mais en verre cette fois-ci.
Samuel s'assit en tailleur sur le sol recouvert de carrelage blanc et patienta. Quelques secondes plus tard, alors qu'il semblait en train de méditer, un large faisceau de lumière passa à travers le dôme et s'abattit au centre du sas. Un homme à la carrure impressionnante et vêtu d'une armure miroitante se matérialisa alors devant lui. Une corneille, identique à celle qui volait en cercle dans la salle, était posée sur son épaule. Elle prit son indépendance et partir rejoindre sa congénère.
"Te voila cher Mach, déclara Samuel sans changer de position. Le voyage était agréable?"
Mach était si grand par rapport à lui que le guerrier aurait facilement pu l'écraser du pied.
"Hmpf, fit Mach sans bouger. -Je vois que ta hache n'est pas maculée de sang. Cela signifie qu'une fois de plus tu ne t'es pas amusé. -… -C'est fâcheux Mach. Une telle occasion ne se reproduira pas. D'ailleurs je me demande vraiment comment le sceau a pu échapper à leur vigilance."
Samuel se leva et se posta face à lui. Son interlocuteur ne semblait pas disposé à s'exprimer, à son grand dépit.
"Qu'est-ce qui s'est passé là-bas? -S… S… -Tu me fatigues, lance-toi, fit Samuel d'un air las. -Elle, la femme. S… Sonia."
Samuel se tut un instant, assimilant avec peine cette information.
"Je vois, c'est rare qu'elle vienne les soutenir en personne. En sa présence je suppose que tu ne pouvais pas faire grand' chose, conclut-il. On n'y peut rien. -Samuel, tu ne devrais pas trouver des excuses à Mach, intervint une voix féminine."
Une jeune femme venait de s'introduire dans la pièce par la porte en verre, un plateau à la main. La vingtaine, elle avait des cheveux roux frisés, noués en deux couettes, et portait une ample robe rouge bariolée de noir. Ses joues rondes étaient parsemées de tâches de rousseur et ses yeux bleus perçants fixaient Samuel de manière sardonique.
"Il ne manquait plus que toi, soupira Samuel en sortant un paquet de cigarettes de sa poche de veste. -J'imagine que c'est là ta manière de me saluer, dit-elle. -Non, c'est ma manière de te signifier que tu m'importunes."
Elle plissa les yeux tandis que Mach fixait le sol, semblant se désintéresser de son arrivée. Samuel alluma une cigarette.
"Veille à garder ton insolence pour les gens de ton espèce, répliqua-t-elle. Je ne pense pas qu'il apprécierait d'apprendre la manière dont tu te comportes. -Ah…, fit Samuel d'un air désinvolte. De quelle manière je me comporte selon toi? -Comme une personne certaine d'être la clé de voûte de cette quête. Tu ferais mieux de ne pas oublier ton statut précaire."
Elle sourit puis observa le contenu de son plateau. Un verre de jus d'orange et quelques fruits.
"Je dois lui apporter son déjeuner. Je ne dirai rien vu que tu préfères sans doute lui annoncer la nouvelle toi-même. -Fais comme bon te semble Maggie, fit Samuel en faisant mine de bailler. Je n'ai pas de temps à perdre avec une simple servante."
Les deux corneilles cessèrent leur danse aérienne et se posèrent au sol, apparemment interpellées par cette remarque cinglante. Les yeux de la femme nommée Maggie étincelèrent et elle eut un rictus au coin des lèvres. Sans crier gare, elle effectua un prompt mouvement du bras doigt et un projectile à la pointe acérée fila en direction de Samuel. Ce dernier brandit alors une longue rapière étincelante et dévia la trajectoire du projectile qui alla se planter dans le mur. L'arme effilée était apparue dans sa main en une fraction de seconde.
"Ne pousse pas le bouchon trop loin, tu sais que ma patience a ses limites, dit-il tandis que la rapière disparaissait subitement. -Je te croirais sur paroles si tu valais quoi que ce soit sans cette "chose". Or, ce n'est pas le cas. -… -Ne me sous-estime pas, je n'ai rien à voir avec vous autres, déclara Maggie en sortant dignement par la porte de verre."
Samuel fit une moue dubitative. A cet instant précis, le mur dans lequel s'était fichée l'étrange flèche de Maggie se fissura, du sol au plafond. Samuel constata l'ampleur des dégâts puis se tourna vers Mach, stoïque.
"Il y avait une autre personne là-bas, déclara Mach d'une voix lente. -Ah bon? fit Samuel. Quelqu'un qui ne fait pas partie du lot habituel?"
Mach opina lentement de la tête.
"Très bien, dis-moi en plus à ce sujet. Je ne souhaite pas être victime d'autres surprises."
(Voila, j'attends vos remarques! Merci à ceux qui auront tenu jusqu'au bout!) | |
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